Sommes-nous devenus des Homo responsor ?

Plus connectés, plus collaboratifs, plus communicants, etc. En entreprise, les progrès technologiques et les évolutions managériales transforment nos habitudes et nos vies. Le management horizontal ou encore la démultiplication des outils et canaux de communication ont complexifié le travail. Aujourd’hui, nous devons répondre via de multiples canaux à un plus grand nombre d’interlocuteurs et “de facto” un plus grand nombre de demandes.

Dans notre entourage personnel ou professionnel, nous entendons régulièrement des personnes se plaindre de manquer de temps. “Je suis sous l’eau”, “C’est le stress”, “Je n’ai pas eu le temps de…”. Le point commun ? Trop de choses à faire et surtout beaucoup de demandes ! En effet, en plus de nos cahiers des charges et missions, nous faisons face à un grand nombre de demandes émanant de l’extérieur.

Et ce n’est pas près de s’arranger…

De la plus petite question reçue à 19h45 sur WhatsApp (as-tu pensé à fixer le meeting avec le prestataire ?) à l’appel d’offre stratégique reçu 10 jours avant la deadline, nous sommes constamment “invités” à répondre.

La tendance n’est pas à l’amélioration, principalement pour deux raisons :

  • Les technologies incitent toujours plus aux interactions.

    Les outils de travail (Teams, Slack, Monday, Notion, etc.) - tout comme les applications de divertissement d’ailleurs - embarquent aujourd’hui des fonctionnalités de messagerie, by-design. Tous rivalisent de génie pour nous inciter à (1) entrer en relation, (2) activer les notifications et (3) répondre aux sollicitations.

  • Le management promeut toujours plus de collaboration.

    Alors que nous reportions jadis au “boss” et nous contentions de travailler avec les proches collègues, l’horizon est aujourd’hui sans frontière. Nous interagissons avec les collègues de notre département, les membres d’un projet dont nous faisons partie, le voisin d’open-space, les clients, les prestataires, les contacts professionnels sur LinkedIn, etc.. Nous sommes en interaction continue.

Nos interactions ont pris l’ascenseur et nous alimentons un flux incessant de sollicitations auxquelles il convient de répondre rapidement et efficacement.

En entreprise, mais également à titre privé, les conséquences de cette hyper-stimulation contemporaine sont importantes pour les collaborateurs : difficulté de concentration, déséquilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, stress et épuisement. Pour l’entreprise, à court ou à long terme, cela peut induire une baisse de la qualité, de la productivité et de l’engagement.

… À moins de savoir dire “NON”.

Alors que faire quand le flux des sollicitations s’accélère ? Naturellement, il existe de multiples solutions de contournement et à titre d’exemple :

  • Répondre immédiatement aux demandes qui nécessitent moins de 5 minutes (ex : donner une information disponible, forwarder un mail, relire un court document et faire un feedback, etc.)

  • Définir et sensibiliser sur sa propre règle d’hygiène (ex : “pas d’e-mails le matin”, “pas de meeting le mardi”)

  • S’enfermer dans une salle de réunion pour se concentrer sur une tâche

  • Indiquer un statut “occupé” sur ses agendas ou applications de collaboration pour définir des plages horaires de deep-work (grande concentration)

  • Faire le point avec son équipe et son management pour déléguer, prioriser, hiérarchiser

  • Clarifier son cahier des charges et le communiquer

  • Etc.

Il me semble toutefois que ces solutions n’agissent pas sur la source. Elles sont cosmétiques. Elles ne réduisent pas le flux. Elles temporisent la réponse d’Homo responsor.

Il faut renvoyer la patate chaude ! Plus sérieusement, il s’agit de dire NON de manière adéquate et opportune.

Ce qui fera la différence entre un bon-NON et un mauvais-NON c’est le caractère assertif ou non de l’échange préliminaire à toute action. En effet, l’entreprise doit permettre aux collaborateurs :

  • De qualifier la demande pour en définir tous les contours (responsabilité, finalité, urgence, budget, etc.)

  • De challenger la demande au regard de critères définis en amont (ex : plan de charge de l’équipe, roadmap de développement, priorités stratégiques)

  • De formuler une réponse en toute sécurité (sans crainte d’escalade au management, de représailles)

  • De fournir une ouverture (proposer un autre interlocuteur, proposer une date ultérieure, etc.)

Un NON bien formulé est fondé sur des critères rationnels et partagés. Il est une clé efficace pour réduire le flux des sollicitations quotidiens. Mais que l’on ne s’y trompe pas : ce flux ne s’impose pas à nous car nous en faisons partie. Nous avons donc le pouvoir d’agir, chacun à son niveau.

Si nos sociétés valorisent l’action, le « oui » et le « y a qu’à, faut qu’on », il est de la responsabilité de chaque maillon de la chaîne de contribuer à faire pencher la balance, pour hisser le NON au rang des principes sains et salvateurs en entreprise.

Et vous ? Quelle première mesure pourriez-vous mettre en place dès demain pour mieux gérer les sollicitations ?

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